Sistas Makin’ Moves. Une organisation de femmes à l’échelle d’un quartier

Sista II Sista

Traduction par nos soins

Poème collectif

Une femme est née et vit, nous vivons

Les Afro-Latinoises s’unissent comme des soeurs uniques

Des femmes élevées parfois pour dépendre des hommes et les réconforter

Nous prenons le contrôle de nos corps et de nos âmes

Comment nous luttons contre la douleur que nous avons endurée

Je suis venu et je suis parti ;

Ce que les femmes ont traversé dans le passé et le présent et ce que nous traverserons à l’avenir.

Hemanas somos, pedazos de la tierra : le don de soi, parfois involontaire

L’air chaud refroidit les pieds ; on ne se laisse plus maltraiter.

Nous comprenons l’ironie du pouvoir, que ceux qui sont vulnérables, sont en fait une source de force,

Parce que les doux hériteront de la terre je suis Noir, je suis Latina, je suis la femme riche en hip-hop, merengue, reggae, salsa, calypso, bachata qui vous a donné la vie.

Je suis le chocolat noir, la noix de pécan au beurre caramel, le teint rempli de sazon et d’épices de mes ancêtres qui m’ont donné la vie, mon histoire, mon espoir, mes rêves de devenir une femme.

Mais ce n’est que le début de mon combat,

Ce n’est qu’un mystère à dévoiler, à se développer et à s’envoler comme des papillons allant de destination en destination, racontant aux reines notre passé et notre présent pour ramener notre voyage vers le futur à travers les mots de sagesse que nos mères nous ont enseignés.

Nous, Mères, filles, sœurs, tantes, petites amies, et les grands-mères – la source vers laquelle nous reviendrons.

Nous sommes l’alpha et l’oméga, le début et la fin.

Introduction

Nous, à Sista II Sista (SIIS), avons écrit cet article pour partager nos expériences et nos apprentissages avec les jeunes femmes racisées qui luttent pour trouver un sens et un but ; pour celles d’entre vous qui travaillent avec les jeunes ; celles qui travaillent autour de la violence (étatique ou interpersonnelle) ; celles d’entre vous qui essaient de développer de nouvelles façons d’organiser, de construire la communauté et de développer l’organisation ; et, enfin, pour celles d’entre vous qui pensent que le changement n’est pas en train de se produire. Depuis 1996, nous avons mis en place une organisation de base appelée SIIS. Voilà ce que nous sommes.

Qui sommes-nous ?

Sista II Sista est une organisation communautaire de Brooklyn située à Bushwick. Nous sommes un collectif de femmes ouvrières, jeunes et adultes, noires et latines, qui construisent ensemble un modèle de société basé sur la libération et l’amour.

Notre organisation se consacre à travailler avec les jeunes femmes pour développer le pouvoir personnel, spirituel et collectif. Nous nous engageons à combattre l’injustice et à traiter les alternatives aux systèmes dans lesquels nous vivons en apportant des changements sociaux, culturels et politiques.

Notre objectif est de promouvoir le développement holistique des jeunes femmes de couleur, âgées de 13 à 19 ans, et de les inspirer à prendre des rôles de leadership forts dans leurs communautés locales. Nous encourageons le développement personnel des jeunes femmes qui intègre la croissance physique, émotionnelle, spirituelle et intellectuelle, liée à l’action politique communautaire. SIIS reste fondée sur un principe d’autodétermination qui défend l’idée que tous les groupes sont capables d’identifier et de travailler à la résolution de leurs propres problèmes et au combat pour leur propre libération.

Comment nous sommes nous constituées ?

En 1996, nous formons un groupe de femmes précaires d’une vingtaine d’années qui commence à se pencher sur la façon dont nous avons été marginalisées pendant notre enfance. Nous avions le sentiment que les institutions existantes (comme l’école ou les tous les centres pour jeunes) ne tenaient pas compte de nos expériences de vie. En tant que groupe confronté à une tresse d’oppression (racisme, classisme, sexisme, âgisme, etc.), nous sommes confrontées à de multiples défis : nos expériences en tant que jeunes, femmes, pauvres et racisées n’étaient pas prises en compte. Nous avons constaté qu’il n’y avait pas de place pour nourrir la voix des jeunes femmes de couleur afin de participer pleinement et de construire un pouvoir collectif pour transformer la société dont nous faisons partie.

C’est à partir de ce constat que SIIS s’est développée.

Nous avons commencé à nous réunir pour planifier une école d’été de la liberté pour les jeunes femmes noires et latines (Freedom School). Nous avons mis en place ce projet en quelques mois, il s’agit de construire un espace d’ organisation politique holistique où nous pourrions soutenir le leadership des jeunes femmes par le biais d’ateliers et d’activités axés sur le renforcement du pouvoir physique, intellectuel, créatif, spirituel et émotionnel. Même si certaines personnes nous ont conseillé de d’abord collecter des fonds, nous avons décidé de nous lancer dans un programme d’été sans argent ni infrastructure. La première Freedom School a duré huit semaines et comptait vingt-cinq jeunes femmes participantes et quinze jeunes femmes adultes bénévoles chargées de la coordination et de l’animation. Nous avons obtenu une place gratuite dans un Beacon Center d’une école publique de Bedford-Stuyvesant et avons reçu des dons de nourriture et de fournitures. Un Beacon Center à New York City est une école publique ouverte pendant l’été et après l’école pour que les groupes communautaires puissent utiliser gratuitement les salles de classe. Nous étions ravis de partager nos compétences dans le cadre d’ateliers sur le sexisme dans le hip-hop, l’organisation communautaire holistique, la prise en compte des ressentis, la façon dont la politique pouvait passer par la coupe de cheveux, les femmes de couleur révolutionnaires dans l’histoire, les arts martiaux, la dance b-girl et la création de photos autobiographiques.

Lors de la première remise des diplômes de notre Freedom School for Young Women of Color, il y avait des batteurs, des danseurs, des expositions de photos autobiographiques et beaucoup d’amour. Dans ses commentaires de clôture, une bénévole a déclaré : « Les jeunes femmes ne souffrent pas d’une faible estime de soi. Il s’agit de la lutte pour s’en défendre, pour y vivre et s’y mouvoir chaque jour ». Enfin, le poème collectif que les jeunes femmes ont écrit déclarait dans sa dernière ligne : « Plus une seule sista étranglée, poignardée, abattue nulle part. Ensemble, pour toujours, sistahoood ». Ce fut l’été 1996, qui connut un grand succès.

C’est à partir de là que les douleurs de croissance ont commencé. Nous étions constamment à la recherche de jeunes femmes de couleur qui partageaient notre vision, nos vibs et notre politique pour rejoindre notre équipe.

Nous avons continué à nous rencontrer et à discuter de la manière de développer Sista 2 Sista comme un programme d’un an, et non pas seulement comme une école de la liberté d’été. Nous avons décidé que nous voulions être une organisation de jeunes femmes de couleur, et pas seulement un programme. Nous avons commencé à mettre ces idées en pratique et nous nous sommes heurtées à l’un de nos plus grands défis : créer une structure organisationnelle qui correspondait à notre vision de la société que nous voulions créer.

Comment nous sommes devenues un collectif

Nous avons commencé à construire avec les unes et les autres personnellement – les volontaires et les jeunes femmes participantes. Nous avons commencé à nouer des liens d’amour et d’amitié très forts et nous avons commencé à nous sentir vraiment liés les unes aux autres. Nous nous sommes vues grandir politiquement et personnellement dans la vie, les expériences et les idées des autres, et le pouvoir de Sista 2 Sista a commencé à émerger. (Nous pourrions continuer à raconter l’histoire, année après année, mais vous vous ennuieriez probablement tous). Pour faire court, nous avons fait des recherches sur les infrastructures d’autres organisations. Nous avons ensuite passé beaucoup de temps à développer notre propre structure en nous basant sur les informations que nous avions recueillies et sur notre propre imagination. Nous n’avons donc jamais eu de directeur exécutif ni de secrétaire. Dès le début, nous avons décidé que ces titres n’avaient pas leur place dans une organisation comme la nôtre, car nous voulions que chacun se sente utile. Nous voulions reconnaître le travail de chacun, d’égal à égal.

Après de longs dîners, des réunions, des séances de visionnement et des visites chez les gens, nous avons décidé que Sista 2 Sista serait un collectif. Visuellement, nous avons vu cela comme une fleur, et les pétales étaient les différents domaines de travail : développement organisationnel, programme de l’école de la liberté, sensibilisation et organisation, finances et collecte de fonds. (Récemment, nous avons ajouté un pétale de membre.) Et, à l’époque, le centre de la fleur était le collectif – un corps de direction de dix à quinze personnes composé de membres qui s’engageaient à donner de leur temps. Aujourd’hui, notre centre comprend la Sista Squad (organisme de direction des jeunes femmes), le collectif (jeunes femmes et femmes adultes qui se réunissent tous les mois), le conseil consultatif et nos membres en général. Ces organes décident ensemble de la direction et de la vision de l’organisation deux fois par an lors de retraites. La Sista Squad et le collectif prennent les décisions quotidiennes qui doivent être prises en dehors de ces retraites.Dix ans plus tard, notre structure collective reflète les idéaux d’une société qui considère tous ses membres comme égaux. Au lieu de suivre le modèle d’un ou deux directeurs, le modèle de direction et de prise de décision de notre organisation est non hiérarchique et axé sur l’inclusion. Malgré les défis, nous travaillons à la création d’un leadership durable centré sur un groupe diversifié de femmes partageant le pouvoir et créant ensemble une vision. Avant 2000, l’organisation fonctionnait grâce à des efforts bénévoles. Tout le travail du collectif est resté basé sur le volontariat et tous les membres sont invités à se porter volontaires pour le SIIS pendant au moins trois à six mois avant de rejoindre le collectif. Bien que certains membres du collectif soient maintenant des membres du personnel, ils participent également au collectif en tant que bénévoles.

Les décisions importantes sont prises par un processus de décision basé sur le consensus. Ce processus repose sur le principe selon lequel les voix des minorités ou des opinions dissidentes sont aussi importantes que celles de la majorité, et les idées les plus puissantes proviennent de la mise en commun de nombreuses perspectives et expériences. Tous les membres du SIIS ne sont pas impliqués dans chaque décision ; différentes équipes sont habilitées à prendre des décisions. Bien que ce modèle soit long et difficile, ce processus s’est avéré plus riche et plus gratifiant que toute autre expérience professionnelle à laquelle nous avons participé.

Notre style collectif a permis de mieux structurer notre travail, car lorsque quelque chose ne fonctionne pas et que la question est soulevée, nous sommes tous attentifs. Par exemple, jusqu’en 2002, nous avions une équipe de liberté et une équipe d’action : l’équipe de liberté a développé, coordonné et facilité le travail holistique d développement du leadership de l’école de liberté, et les membres de l’équipe d’action ont coordonné le travail d’organisation communautaire du SIIS. Mais lors de la retraite d’automne 2002, les membres ont exprimé leur inquiétude quant au fait que la division du travail entre les membres de la Freedom Squad et de l’Action Squad avait parfois créé une fausse division entre le travail « personnel » (Freedom Squad) et le travail « politique » (Action Squad). Cette division était clairement contraire à notre mission, et nous avons reconnu qu’elle créait une dynamique qui privilégiait le travail de l’Action Squad par rapport à celui de la Freedom Squad. Ainsi, peu après la retraite, nous avons créé des « équipes de travail » mixtes qui incorporent des membres de la Freedom Squad et de l’Action Squad. Les membres de l’escouade, les membres collectifs et l’ensemble des membres se sont divisés en équipes de travail interdisciplinaires qui se concentrent sur différents problèmes et domaines de travail, notamment la programmation, l’organisation, la vidéo et la collecte de fonds à la base.

Notre modèle assure la croissance et la pertinence continue de l’organisation en incorporant les diplômés de l’école de la liberté à tous les niveaux de l’organisation (équipe Sista, collectif, conseil d’administration). La Sista Squad est un véhicule concret pour le leadership et l’appropriation de l’organisation par les jeunes femmes. Toutes les questions relatives à l’organisation du SIIS sont choisies par les jeunes femmes membres sur la base de leurs expériences réelles, et elles sont également responsables de l’élaboration et de la mise en œuvre des stratégies d’organisation.

En outre, les programmes de l’école de la liberté de Sista I1 sont développés et facilités avec la direction de l’escouade Sista, qui établit des relations avec les nouveaux membres et crée des systèmes d’évaluation des programmes. Le rôle de la Sista Squad dans le SIIS est crucial car il s’agit d’un mécanisme tangible permettant aux jeunes femmes d’avoir un pouvoir décisionnel permanent sur la direction de l’organisation. Elle permet également aux jeunes femmes de devenir des leaders fortes qui s’investissent dans le SIIS, ce qui assurera la durabilité de l’organisation et continuera à apporter des changements dans leur vie quotidienne et dans les communautés environnantes.

Ce en quoi nous croyons et ce qui nous guide

Sista 2 Sista promeut les principes d’autodétermination, de transformation personnelle et sociale interconnectée et d’action collective contre l’injustice. Nous pensons que les perspectives des jeunes femmes de couleur sont essentielles à la survie et à l’épanouissement de nos communautés, c’est pourquoi notre approche se concentre sur le pouvoir inné des jeunes femmes en tant qu’organisatrices du changement social.

Malheureusement, de nombreux programmes destinés aux jeunes utilisent une approche de service qui encadre les jeunes en fonction de leurs déficiences, et très peu d’organisations s’intéressent aux expériences des jeunes femmes de couleur en particulier. En prenant le principe de l’autodétermination comme point de départ, Sista 2 Sista a créé une organisation où les jeunes femmes de couleur prennent l’initiative de se transformer elles-mêmes et de transformer leurs communautés. S’il est vrai que davantage de services sont nécessaires pour les jeunes femmes, si

nous sommes réellement engagés dans la création d’une société basée sur la justice sociale, nous devons encourager les jeunes femmes à lutter activement pour la création de cette vision. Il est important d’avoir des espaces où les jeunes femmes peuvent être plus que des bénéficiaires, ou des « victimes ayant besoin de services », et peuvent réaliser leur potentiel en tant que leaders et créatrices d’une communauté et d’une société plus juste. Si nous croyons clairement que la fraternité offre un potentiel énorme, nous pensons également qu’elle n’est pas automatique – elle doit être construite et fait partie d’un processus de lutte. Nos membres sont des jeunes femmes afro-américaines, afro-caribéennes et latino-américaines à différents stades de leur vie, ce qui constitue un riche forum pour le développement personnel et politique. En nous enracinant dans la diversité des expériences, des cultures et des réalités de nos membres, nous exprimons nos visions d’une société plus juste à travers des moyensculturels tels que la danse, les médias, la musique et la poésie.

Nous reconnaissons que ces domaines sont des lieux de création et de promotion de la culture et nous utilisons cesmédias pour encourager la pensée critique et remettre en question la culture dominante, qui souvent dégrade notre existence même.

Enfin, comme mentionné ci-dessus, bien que nous ne promouvions pas les leaders individuels, nous reconnaissons le caractère unique de chaque individu impliqué. Nous mettons cela en pratique dans tous les aspects de l’organisation, et pas seulement dans le collectif et l’équipe. Nous n’avons pas de « fondateurs », notre personnel n’est pas hiérarchisé, la division du travail n’est pas traditionnelle et l’échelle des salaires est fixe – tout le monde reçoit le même salaire, indépendamment de l’âge, de l’éducation formelle ou de la durée de l’adhésion. Nos expériences continuent de nous montrer que le changement réel et durable passe par un leadership et une lutte collectifs.

Notre action

Au cours des sept dernières années, le SIIS a établi une solide base de membres grâce à son programme holistique de développement du leadership, la Freedom School for Young Women of Color. Pendant les trois premières années, nous n’avons pas entrepris de projets et de campagnes d’organisation, mais nous nous sommes plutôt concentrés sur la construction de notre base, le développement d’un leadership et d’une conscience collective et le soutien du travail d’organisation de nos alliés. Une fois que nous avons établi une base solide de membres grâce à l’école de la liberté, nous avons commencé à développer notre travail d’organisation.

La Freedom School fonctionne toute l’année avec trois cycles : l’automne, le printemps et l’été. Grâce à leur participation à la Freedom School, les jeunes femmes sont engagées dans une variété d’activités conçues pour stimuler leur développement en tant que penseuses critiques, femmes physiquement fortes, artistes créatives et organisatrices de la communauté. Les cinq composantes principales de notre Freedom School sont : l’éducation politique, la santé physique et le pouvoir, nourrir notre corps, la vidéo, les projets d’action communautaire. L’éducation politique relie les expériences personnelles des jeunes femmes à des questions plus larges d’oppression et de résistance. En utilisant les principes et les techniques de l’éducation populaire, les ateliers abordent des sujets tels que les femmes dans le hip-hop, la lutte contre le harcèlement sexuel, la tresse de l’oppression, le sexe et les relations, et bien d’autres encore.

La santé et le pouvoir physique permet aux jeunes femmes d’explorer leur pouvoir physique à travers des cours tels que le break-dancing, l’autodéfense, la boxe et la danse afro-brésilienne et afro-dominicaine. Nourrir notre corps donne l’occasion aux participantes de partager des recettes et des repas sains.

Le volet vidéo forme des jeunes femmes de couleur à la création de médias, fait passer le mot dans la rue sur une question et soutient l’organisation de notre communauté de manière créative. La production vidéo nous a montré comment différentes formes de médias peuvent nous aider à faire passer notre message à un public plus large ; le message du SIIS touche davantage de personnes dans le quartier, dans la ville et au niveau national grâce à des projections et des discussions régulières. Depuis l’ajout de la composante vidéo en 2001, nous avons acheté du matériel, développé notre travail vidéo et élaboré un plan d’organisation en utilisant la vidéo comme outil

d’éducation politique et d’organisation. Enfin, nos projets d’action communautaire sont choisis par les membres du SIIS et dirigés par les membres de l’équipe en collaboration avec le pétale « Outreach and Organizing ». Grâce à des discussions avec les participants de la Freedom School, les membres de l’équipe facilitent l’identification des problèmes que les jeunes femmes estiment devoir être abordés. Une fois qu’un problème est identifié, les membres de l’équipe définissent une stratégie d’organisation et prennent l’initiative d’impliquer d’autres membres de Sista 2 Sista dans la campagne.

S’organiser contre la violence à l’égard des jeunes femmes de couleur

Suite au meurtre de deux adolescentes racisées à Bushwick par un agent de police et un policier auxiliaire, au cours de l’été 2000, nous, SIIS, avons identifié la violence contre les jeunes femmes de couleur comme notre principal problème.

Nous avons réalisé que la majorité de nos membres avaient été confrontées à un certain niveau de violence dans leur vie et, en lançant une enquête communautaire auprès de quatre cents jeunes femmes de Bushwick, nous avons pu confirmer la gravité du problème. En 2001, des membres du SIIS se sont mises à jouer des sketchs dans les rues de Bushwick dans le but de sensibiliser les gens à ce problème. Nous avons également organisé un forum communautaire en octobre 2001 avec INCITE! afin d’élaborer des stratégies communautaires pour résoudre les problèmes de violence dans nos communautés.

En 2002, nous avons lancé Action Summer pour promouvoir une action au long cours autour de ces questions. Dans le cadre d’Action Summer, nous avons réalisé une vidéo docu­men­tant le harcèlement policier des jeunes femmes à Bushwick, intitulée « Vous avez le droit de rompre le silence ». Le projet vidéo a véritablement réussi à mettre en œuvre un travail de recherche (enquêtes et statistiques) ainsi qu’à recueillir, dans la rue, le point de vue de jeunes femmes, de militant·es communautaires et d’agents de police locaux. Nous avons également organisé une journée d’action à la fin de l’été devant le commissariat du 83e district de Bushwick pour mettre en avant la question de la responsabilité. Plus de deux cent cinquante membres de la communauté ont participé à l’évé­nement et une pétition a recueilli deux cents signatures pour demander la fin de la violence et du harcèlement policier contre les jeunes femmes de Bushwick. Il y a eu des prises de parole, du breakdance, de la poésie et une projection de notre vidéo.

Cet événement a clamé haut et fort que le harcèlement de jeunes femmes par la police ne serait pas toléré par une communauté soudée. L’action a permis de mettre en pratique notre modèle d’organisation et elle a réussi à embarrasser publi­quement le commissariat local devant de nombreux habi­tant·es et devant la presse, avertissant la police qu’elle était surveillée. Mais, en retour, les SIIS ont été durement surveillées et harcelées. Ainsi, dès le lendemain, une toute petite unité mobile du département de police de New York (NYPD) était garée devant local du SIIS. Ils s’amusaient avec les fils du téléphone sur le poteau à l’extérieur et le « mini-commissariat » est resté garé là pendant deux semaines, vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, avec en permanence un flic à l’intérieur. Cela nous a vraiment fait peur. Mais c’était l’époque de la « guerre contre le terrorisme », nous étions conscientes qu’il ne s’agissait pas seulement de représailles isolées et arbitraires de la part de ce commissariat et nous savions que nos allié·es subissaient une surveillance et un harcèlement tout aussi importants.

Nous avons d’abord rencontré des consœurs pour documenter notre expérience et élaborer une stratégie de réponse. En ce qui concerne notre travail, nous avons réalisé que nos conversations et nos actions étaient alors surveillées de près… Nous avons organisé davantage de formations « Connaissez vos droits » pour tous les membres, et chacune d’entre nous portait en permanence un numéro d’avocat·e militant·e bénévole. Bien que la plupart de nos membres soient restées engagées, les parents de familles sans-papiers sont devenus moins actifs et ont encouragé leurs filles à ne plus participer. Nous avons eu d’intenses discussions avec les mères de famille, et nous avons compris que tout était désormais plus compliqué. Nous ne pouvions pas vraiment faire grand-chose contre le harcèlement, mais nous le documentions et nous procédions avec plus de prudence pour assurer notre sécurité à toutes. Indépendamment de ces méthodes d’intimidation, notre travail s’est poursuivi.

Au SIIS, nous pensons qu’une véritable transformation sociale doit être holistique, que le changement vient de l’inspiration, de l’expression de ses émotions et de sa culture, et d’un message politique fort.

La production de vidéos, les journées d’action, les formations, les ateliers d’autodéfense et le travail collectif quotidien, comme le fait de faire du porte-à-porte et de distribuer des tracts, ont renforcé le soutien de la communauté à notre travail militant. Alors que SIIS a d’abord essuyé des jets de canettes sur son local, balancées par des jeunes types ne voyant pas l’intérêt d’un espace réservé aux femmes, nous rassemblons à présent des centaines de sympathisant·es du quartier, toutes générations confondues, et pas seulement des femmes, lors d’actions contre la police et l’armée. C’est le résultat d’années de sensibilisation et de discussions dans la rue. Au fur et à mesure que notre travail sur la violence s’est développé, nous l’avons divisé en trois domaines : demander des comptes sur les questions de harcèlement sexuel et de violence contre les jeunes femmes de couleur à Bushwick ; construire une alternative à la police vers laquelle les femmes peuvent se tourner en cas de violence interpersonnelle ; et créer une solidarité avec les femmes confrontées à la violence dans le Tiers-monde.

Le Sista’s Liberated Ground

Nous avons appris de nos expériences que nous devons adopter une position publique ferme contre les violences policières subies par les jeunes femmes, et en même temps trouver les moyens pratiques de mettre en œuvre des solutions créatives face à ce problème. En 2002, nos efforts ont coïncidé avec la couverture par les médias locaux du retard accumulé par la police de New York dans les affaires de violences conjugales : plus de cent mille cas signalés n’ont eu aucune suite. Cette inaction flagrante met encore plus en danger la vie des femmes. Ces informations ont étayé notre critique de la police en tant qu’institution intrinsèquement oppressive, inappropriée et inefficace pour mettre fin au cycle de la violence contre les femmes. Mais pour réellement construire un pouvoir collectif, nous devons faire plus que critiquer l’institution ou le système – nous devons aussi commencer à envisager et à créer ce par quoi nous voulons le remplacer. Il nous fallait une option concrète sur laquelle les Sistas puissent compter pour faire face à la violence sexiste constante dans la rue, à l’école, au travail et à la maison. La stratégie de SIIS pour notre campagne d’organisation consiste à provoquer des changements institutionnels aussi bien que sociaux et culturels et de créer des alternatives dans le même temps.

Sista’s Liberated Ground (Zone libre des Sistas, SLG) constitue notre alternative locale à la police. Le SLG a été le travail de changement social le plus difficile que le SIIS ait jamais entrepris. Nous avons commencé à élaborer des stratégies au sein du SIIS, organisé des réunions locales et nous nous sommes appuyés sur les stratégies de notre forum communautaire d’octobre 2001. En février 2003, nous avons organisé un rassemblement de deux jours sponsorisé par INCITE ! Cette réunion a rassemblé trente-cinq femmes de couleur, jeunes et adultes, de tout le pays, qui travaillent sur des modèles de responsabilité communautaire en matière de violence contre les femmes. Lors de cette rencontre, les membres du SIIS ont présenté le SLG et ont puisé dans d’autres modèles concrets, et beaucoup ont présenté des réflexions et des observations intéressantes.

Grâce aux connaissances acquises lors de cette réunion, les membres de l’équipe ont amélioré le modèle de projet et l’ont présenté à l’ensemble des membres du SIIS pour une approbation par consensus en mai 2004.

Nous avons établi une zone à l’intérieur de laquelle la violence contre les femmes n’est pas tolérée, et où les femmes se tournent les unes vers les autres plutôt que vers la police pour faire face à la violence dans leur vie. Le SLG, c’est aussi une vaste campagne de sensibilisation avec des dépliants, des affiches, des T-shirts, des autocollants et des peintures murales pour marquer ce territoire. Il existe également une ligne téléphonique que les femmes peuvent appeler pour s’engager dans le SLG. Les membres de l’équipe animent aussi une série d’ateliers pour les jeunes femmes de la communauté sur le sexisme, la résolution des conflits, l’autodéfense collective et d’autres sujets afin de sensibiliser et de tisser des liens entre les femmes du quartier. Notre nouvelle vidéo, « No More Violence Against Our Sistas ! » (Stop à la violence envers nos sœurs !) sera utilisée pour l’éducation politique au sein de la communauté. SLG organise également les Sista Circles, des collectifs de soutien et d’intervention pour les cas de violences sexistes composés de femmes qui peuvent être des amies, des voisines et des collègues de travail. Nous mettons d’abord en pratique ces cercles de femmes dans notre Freedom School avec nos membres pour expérimenter ce qui crée le soutien collectif et une réelle responsabilité.

L’inauguration du SLG a eu lieu le 28 juin 2004, lors de notre fête de quartier. Au milieu des artistes et de la musique, des membres de la communauté ont lu à voix haute et se sont engagé·es sur la déclaration du SLG :

« Je crois que dans la lutte pour la justice, la sécurité personnelle des femmes est une question communautaire importante. La violence contre les femmes nuit aux familles, aux enfants et à toute la communauté. En tant que membre de cette communauté, je m’engage à mettre fin à cette violence. Je soutiens le SLG, un endroit où la violence contre les femmes n’est pas tolérée. Je m’engage à travailler avec la communauté pour affronter collectivement ces cas de violences sans l’intervention de la police. Je m’engage à créer des relations fondées sur le respect, l’amour et le soutien mutuel ainsi qu’à lutter pour la justice et la libération à un niveau personnel et communautaire. »

Le SLG était un projet vraiment nouveau pour les jeunes femmes du SIIS, c’était beaucoup plus ambitieux que tout ce qu’aucune de nous n’avait fait jusqu’à présent, et nous ne nous attendions pas à ce que ce soit aussi difficile, ni que ça marche aussi bien. En rencontrant d’autres groupes à travers le pays, nous avons également appris qu’il n’existe pas de modèle pré­établi pour nous aider à trouver comment mettre ces idées en pratique. Nous avons fait des recherches sur ce qu’il se passait dans les mouvements révolutionnaires et les luttes communautaires dans le Tiers-monde. Par exemple sur la défense des terres agricoles occupées et les groupes féministes dans le Mouvement des Travailleurs sans Terre (MST) au Brésil, au niveau des territoires autonomes des zapatistes au Mexique et des nombreux groupes d’action et de responsabilisation communautaire moins connus créés par des femmes pauvres qui vivent dans des endroits où la police ne met jamais les pieds. Ces modèles d’intervention inventifs ont été construits grâce à des liens et des relations communautaires solides.

Contre les féminicides au Mexique et la guerre en Irak

Aux États-Unis, dans beaucoup d’endroits qui ressemblent à Bushwick, les communautés sont affaiblies – c’est ce qui nous aliène tou·tes. Faire ce travail alors que nous vivons au sein de l’Empire est particulièrement difficile. Cela va nous prendre des années, et beaucoup de notre énergie en tant que Sistas, mais c’est aussi cela qui nous motive. Un autre domaine d’action du SIIS est la solidarité avec d’autres femmes du Tiers-monde. Nous avons commencé par une campagne de solidarité avec des jeunes femmes à Juárez, au Mexique. Les membres de l’équipe ont fait le parallèle entre la manière dont la violence affecte les jeunes femmes pauvres à Bushwick et à Juárez. Nous avons organisé une action à l’ambassade mexicaine avec une pétition qui a recueilli des centaines de signatures présentées au Consul général, au moment d’une journée d’action appelée au Mexique, fin novembre 2002.

À partir de cette période, l’attention s’est tournée vers l’invasion imminente [en Irak] et notre équipe de solidarité a commencé à s’organiser avec des coalitions contre la guerre à l’échelle de la ville. Dans Third World Within, les membres de l’équipe du SIIS étaient les seul·es jeunes (de moins de vingt et un ans) à participer aux réunions d’organisation et de travail. Notre participation a apporté de l’énergie, des idées et de la créativité à l’ensemble du groupe. Nous avons contribué avec succès à l’organisation d’actions le 15 février 2003, au lendemain du début des bombardements et le 19 mai, jour de l’anniversaire de Malcolm X.

En plus du travail à l’échelle de la ville, l’équipe de solidarité a également organisé des actions dans notre quartier contre la guerre en Irak. Elle a fait de la sensibilisation et de l’éducation sur la question, organisé une veillée à la bougie la nuit du début des bombardements et fait une campagne contre le recrutement militaire, avec une action appelée Recruitment for Justice. Le 17 juin, devant le centre de recrutement local de l’armée à Bushwick, des autocollants, des affiches et des CD contre la guerre ont été distribués à ceux qui s’inscriraient à la liste de diffusion du SIIS plutôt qu’à l’armée.

Comment nous finançons notre travail

Le SIIS a fonctionné pendant ses trois premières années sans aucun financement de la fondation. Nous avions un collectif de bénévoles qui nous aidait à coordonner et à faciliter notre Freedom School, et nous avons maintenu notre programme grâce à des dons en nature de bénévoles et d’entreprises de la communauté locale, à des ventes de t-shirts et à des événements culturels de collecte de fonds. Au cours des trois dernières années, le financementde notre fondation a augmenté de manière significative.

Nous avons élargi notre collecte de fonds à la base en organisant des campagnes de dons individuels, des conférences, des ateliers, des événements et des produits fabriqués collectivement.

À l’automne 2002, stimulée par la prise de conscience que nous travaillions de plus en plus dur pour devenir de plus en plus dépendants des subventions de la fondation, nous avons donné la priorité à des stratégies de collecte de fonds non liées à la fondation en créant deux groupes de travail consacrés à la collecte de fonds. L’un des groupes assure la promotion et la commercialisation des produits du SIIS, qui comprennent des t-shirts, des sweat- shirts, des huiles de massage, des sels de bain et d’autres produits créatifs créés par le SIIS. Ce groupe a également commencé à promouvoir les produits Sista Solidarity, des produits artisanaux, tels que des boucles d’oreilles, des chemisiers et des sacs à main, fabriqués par des coopératives de femmes du Tiers-Monde ; ces ventes permettent de financer les coopératives ainsi que le SIIS.

L’autre équipe de travail chargée de la collecte de fonds est le projet Big Mouth, composé d’un petit groupe de membres du collectif et de l’équipe qui ont mis en place un bureau national des conférenciers du SIIS. L’équipe a créé une base de treize ateliers et conférences basés sur le programme et le modèle d’organisation du SIIS, et a commencé à toucher les écoles publiques, les groupes communautaires, les collèges et les universités, et les fondations pour mettre en place des conférences payantes pour le SIIS. L’équipe du projet Big Mouth planifie et coordonne les engagements, mais tous les membres du SIIS sont censés animer les ateliers et donner des conférences. Les prix sont dégressifs en fonction du type d’organisation. Ce projet s’est révélé être l’une de nos initiatives de collecte de fonds les plus réussies, car il permet de collecter des fonds, de soutenir le développement des capacités de leadership des membres du SIIS et de diffuser notre mission et notre vision au niveau national.

Un témoignage

« Aujourd’hui, je marchais dans la rue et je me sentais à la fois détendue et bizarre. Je portais un débardeur avec un short et des baskets. Et franchement, j’étais VRAIMENT stylée. J’avais les cheveux détachés et un sourire radieux. Mais je me sentais quand même bizarre. Je me pavanais. Mes hanches se balançaient au rythme de ma musique tandis que mes seins rebondissaient sur une autre mélodie. Je me sentais si bien et si détendue que je n’ai même pas remarqué que pendant la dernière demi-heure, alors que je marchais dans une rue bondée d’hommes, personne ne m’avait interpellée. Pour une fois, je n’avais pas entendu : « Hé la petite avec ton gros cul », ou « Yo, on peut discuter ? » ni même « Waou quelle fille ! » Pour la première fois, je marchais dans la rue et je remarquais combien le ciel est beau quand la journée est ensoleillée, à quel point l’herbe est verte dans les jardins, et j’ai même remarqué les nombreuses couleurs des feuilles des arbres. C’est dommage qu’il m’ait fallu autant de temps pour remarquer ces choses, car pendant des années, je déambulais l’air fâché, défiant quiconque de me regarder ou de dire quoi que ce soit, prête à insulter à la moindre remarque. Mais aujourd’hui, j’ai souri. Libre d’être moi sans avoir à m’excuser d’être une femme. Alors vous savez ce que je vais faire en marchant ? Je vais remercier tous les membres de ma communauté d’avoir rendu ça possible. Cela a pris des années, mais mes Sistas peuvent enfin sourire. Nous sommes libres. »

Keisha, 18 ans.

Réflexions

Depuis que nous avons écrit ceci, nous avons pris des décisions difficiles à SIIS. L’une des plus importantes a été de ne plus faire de demandes auprès des fondations. Pourquoi ? Parce qu’après le 11 septembre 2001, les fondations ont pris des orientations plus conservatrices, à l’image du climat général qui règne aux États-Unis. SIIS avait surfé sur une vague de popularité chez les donateurs, et ce temps touchait à sa fin. Les bailleurs de fonds progressistes ne comprenaient pas notre nouveau travail d’organisation, le SLG. Si nous ne « visions plus à réformer les institutions » comme la police, ils pensaient que nous ne faisions pas du « vrai travail militant ». Nous croulions sous la quantité de dossiers de subventions, de travail administratif, de visites sur place et de rapports. Nous étions épuisées par les rejets, l’attente et le fait de devoir expliquer constamment notre travail à des gens qui ne comprenaient rien. Nous en avions marre de transcrire notre travail en données quantitatives. Le moral était en berne et ce qui devait être un engagement pris avec amour pour SIIS devenait un travail.

Nous avons donc fait acte de foi. Nous sommes en train de redevenir un collectif entièrement bénévole. Les choses avancent plus lentement maintenant. Nous avons perdu quelques personnes pendant la transition. Nos vies sont folles. D’un autre côté, des femmes plus jeunes ont pris le relais et leur leadership est plus important que jamais au sein de SIIS. Ça donne de la force de savoir que les gens sont ouverts à trouver d’autres moyens de construire et de travailler dans ce mouvement.

Conclusion

Nous avons écrit ici beaucoup de choses sur nous-mêmes et notre travail, mais nous en oublions sans doute encore de grandes parties. Au fil des années, nous avons tiré de nombreux enseignements et relevé de nombreux défis. Certaines de ces leçons se démarquent plus que d’autres. L’une des plus importantes est que nous avons compris ensemble que la justice est un processus qui ne connait pas de « fin ». La justice est une chose que nous devons continuellement imaginer, envisager, construire et pratiquer. C’est quelque chose que vous devez incorporer dans votre vie quotidienne et dans vos interactions, avec celles et ceux qui vous entourent dans votre foyer, votre travail, votre organisation, votre espace spirituel ou religieux et dans tous les autres aspects de l’existence. Pour cette raison, il est de notre responsabilité de réorganiser et de remodeler SIIS au fil du temps, afin de garantir les principes de libération, d’autodétermination et d’amour.

L’autre grande leçon que nous retenons est qu’il ne suffit pas de critiquer les systèmes que nous trouvons oppressifs. Il est beaucoup plus facile de dire ce qui ne va pas à propos de quelque chose que de s’asseoir avec un groupe de personnes et d’imaginer ce qui serait mieux pour tout le monde. C’est plus facile, mais cela ne nous rapproche pas de la justice pour nos communautés. Nous ne pouvons pas dire à ceux qui sont au pouvoir que ce qu’ils font est mal et les laisser ensuite décider de ce qui serait mieux pour nous. Nous devons créer cela collectivement pour nous-mêmes. C’est le défi qui nous attend.